Niçois, touristes et journalistes sur place racontent le carnage qui a éclaté en fin de soirée, ce 14 juillet, sur la Promenade des Anglais.

La cinquième ville la plus peuplée de France fêtait la fin de son feu d’artifice. Peu après 22h30 sur la Promenade des Anglais, les festivités laissèrent place au cauchemar. On croit d'abord à des explosions. «Nous étions en bas, au bord de l'eau, et tout d'un coup, on a entendu des grands cris, on n'a pas compris. Tout le monde s'est retourné et on a vu un gros camion, genre 35 tonnes, blanc, qui rentrait dans la foule, qui est monté sur le trottoir et qui écrasait tout le monde», explique un témoin à Europe 1.
«Ce corbillard», le responsable des nouveaux médias du journal Nice-Matin, Damien Allemand, l’a vu de très près. «J’ai vu des corps voler comme des quilles de bowling sur son passage. Entendu des bruits, des hurlements que je n’oublierai jamais, raconte dans un long témoignage sur Medium. J’étais tétanisé. Je n’ai pas bougé. J’ai suivi ce corbillard des yeux. Autour de moi, c’était la panique. Les gens couraient, criaient, pleuraient. Alors, j’ai réalisé. (…)»


Le journaliste de l’AFP Robert Holloway avoue au Monde avoir très vite compris ce qui se passait. La «trajectoire en ligne droite» d'un camion de cette taille ne pouvait être que le résultat d'un «acte totalement délibéré». Autour, «c'était le chaos absolu», développe-t-il, «des gens hurlaient (...) Nous avons vu des gens touchés et des débris voler partout». Isabelle, rescapée jointe par Le Figaro, a vu le camion blanc «filer dans la foule (...) comme un train». «Le camion était presque sur nous, j'ai vu le visage du conducteur», raconte Cyprien à L'Obs.

Le criminel, âgé de trente-et-un ans est stoppé après deux kilomètres de course folle à vingt-trois heures. «Il s'est arrêté juste là, les policiers sont arrivés, ils ont commencé à lui tirer dessus, les balles ont commencé à siffler», témoigne un touriste venu de Clermont-Ferrand interrogé par France Info. Avant d’ajouter que «certaines personnes se sont prises des balles». Une information qui n'a pas été confirmée par la préfecture des Alpes Maritimes. «Au moment où il a été abattu par les policiers, il avait fait feu plusieurs fois», a souligné de son côté le premier adjoint LR de la ville de Nice et président de la région Paca, Christian Estrosi.  

«Énormément d'enfants seuls»

Pendant ce temps, les scènes de panique se multiplient. Mélina Macri, 40 ans, était sur la plage Beau Rivage, au-dessous de la promenade des Anglais: «On a vu des gens courir sur la plage en direction du vieux Nice en criant : “Il y a des coups de feu, courez !” On a donc couru sans trop savoir pourquoi, raconte-t-elle au Monde. Un mouvement de panique incroyable (…). On a essayé d’entrer dans l’hôtel Mercure, mais il avait fermé ses portes, avec des gens réfugiés à l’intérieur, alors on a continué à courir jusqu’à l’entrée du vieux Nice, où un homme nous a ouvert les grilles d’un hangar (…). Nous étions 150 à peu près, nous sommes restés une heure et demie.»




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«On ne pouvait pas recueillir les blessés, puisqu'ils ne pouvaient pas bouger», explique Michael sur RTL. Il néanmoins essayé de venir en aide aux passants à proximité de son établissement après l’attaque. «À un moment donné, on a fermé notre établissement et on a recueilli 200 personnes à l’intérieur.» Une demi-heure après l'événement, Michael et ses employés aident ensuite les personnes qu’ils avaient recueillies à s’éloigner du centre-ville. «Il y a énormément d’enfants qui se sont retrouvés seuls, tétanisés, puisque les gens se sont perdus entre eux pendant le mouvement de panique», se désole-t-il.


Prendre conscience, hagard

Malgré une entorse au genou, Émilie Blain, 27 ans, a elle réussi à se réfugier dans un restaurant. «Dans ces conditions, ton instinct de survie prend le dessus et tu cours malgré la douleur», livre-t-elle au Monde. À quelques mètres d’elle, une femme enceinte de presque neuf mois ressent des contractions et fait un malaise. «Nous avons appelé les pompiers, cela prenait du temps pour les joindre mais ils ont fini par répondre.»
Les rues commencent à se vider. Les trottoirs sont jonchés de cadavres, des poussettes complètent le décor.«Il n'y avait pas encore beaucoup de policiers, à ce moment-là ce n'était pas fermé, précise le touriste clermontais.



Tout le long de la Promenade il n'y avait que des morts, des enfants, beaucoup d'enfants, c'était horrible à voir, il y avait des cervelles par terre, c'était vraiment pas bien, c'est quelque chose de monstrueux, c'était horrible». Une journaliste de France 24 présente sur place évoque «un véritable carnage. [...] Les corps des victimes décédées sont à même le sol, recouverts d'un drap blanc. Il y en a une tous les dix mètres quasiment». 

Forces de l’ordre et secours bouclent la zone à 23h20. «On se serait cru sur une scène de guerre», lâche au Time le photographe français, Antoine Chauvel. «Ce qui m'a le plus choquée, c'est de voir des gens filmer tout ça, déplore pour L’Express Marie, 37 ans, agent de sécurité à la Villa Masséna. Il y avait un jeune qui filmait un blessé à terre quasiment en train de mourir...». Frédéric Michel, le correspondant d'Europe 1 à Nice, débarque sur la Promenade des Anglais peu avant minuit. «Quand je suis arrivé sur place, j'ai vu des centaines de badauds, le regard hagard». Devant lui, le vide. Seulement «des poussettes et des vélos écrasés».